Un
embrasement. Des noces d'or et de sang célébrées
sur la toile comme la prière d'un fervent. Une évidence
écarlate à l'image de cet Empire Byzantin qui, de Constantinople
à Alexandrie, de Thessalonique à Jaffa, étendait
son gigantisme et sa fièvre. C'est le spectacle que nous offre
Shlomo, peintre incendiaire, à la recherche de ses origines (Galerie
Elyette Peyre, jusqu'au 2 février 1996). Comment un juif de Bulgarie,
catéchisé par les orthodoxes et initié à
la peinture à Jérusalem par les disciples de Kandinsky
et de Klee, pouvait-il retrouver une identité sans se souvenir
de Byzance ? "Je suis parti à quatorze ans en Israël.
Après 41 ans d'absence, je croyais que j'étais guéri.
Brutalement, tout est revenu en moi", dit-il en évoquant
son retour dans son pays natale en 1990. Tout, le sacré et le
profane, les babuchkas et les vierges, les Christ et les masques, les
paysans et les Saints. Tout, au point de savoir reproduire des îcones,
en mélangeant pieusement, selon les techniques anciennes, le
jaune d'oeuf et l'huile de lin. "Je suis athée grâce
à Dieu", ose prétendre cet artiste paradoxal. Je
peins des symboles. Cette vierge est une mère. Et ce visage souffrant
du Christ ? L'ovale allongé, les pommettes saillantes d'un Slave".
Avant son voyage en Bulgarie, ses autoportraits le montraient comme
un arbre sans cîme, un oiseau déraciné qui aspirait
au vent. Aujourd'hui, apaisé, il renoue avec le sel et le miel,
l'eau et le feu, la vérité de ses racines, la splendeur
extrême de l'Orient.
Christine Deymard
- LE NOUVEL OBSERVATEUR – Décembre 1995